Depuis le mois de décembre 2020, un court métrage bouleversant contre l’homophobie en milieu scolaire fait sensation sur la toile. Son nom ? PD. Il faut dire que cette œuvre dépeint avec un profond réalisme ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte scolaire. Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre d’Olivier Lallart, réalisateur de ce film coup de poing.
Comment est né le court-métrage PD ?
Tout simplement de deux choses. Tout d’abord, j’ai découvert mon homosexualité très tard et j’ai ressenti le besoin d’en parler, faire comme un coming-out artistique. Deuxièmement, je fais beaucoup de films en milieu scolaire, dans les collèges et lycées. J’entendais beaucoup l’insulte « PD » qui était dite à tort et à travers. Ça m’a un peu frappé parce que parfois, je l’entendais quatre fois dans une phrase et même si les jeunes n’avaient pas forcément une vocation homophobe quand ils le disaient (c’était juste l’insulte à la mode), je voulais quand même les sensibiliser sur la violence de ce mot, sur ce que ça peut provoquer sur des camarades de leur âge qui serait peut-être en doute sur leur sexualité et chez qui ça peut être très blessant.
Mais pas seulement chez les jeunes, il y a aussi beaucoup de personnes de 30-50 ans qui l’affirment et ça contribue à banaliser l’homophobie. Je voulais vraiment m’attaquer à ce problème.
Quelle est la principale visée de ce film ?
Il s’adresse à tous et à toutes, mais c’est vrai que je vise principalement à toucher les jeunes en priorité, car c’est à cet âge-là qu’on commence à construire ses propres modes de pensée. Quand on grandit dans un milieu de classe moyenne, avec des idées préconçues, ou avec une certaine religion, on peut parfois penser que c’est un modèle et c’est bien de montrer aux jeunes qu’il y a d’autres choses auxquelles ils n’ont pas forcément accès. On ne leur dit pas qu’il faut penser comme cela, mais ça leur donne des pistes et ils verront d’eux-mêmes comment ils ont envie de penser.
Après, chez les adultes, on observe aussi des changements de comportement. J’ai un ami qui a la trentaine et qui avait souvent le réflexe de dire l’insulte « PD » pour déconner, et qui maintenant fait très attention quand il s’apprête à le dire. Donc, je pense que ça a fait son petit bout de chemin l’air de rien.
Comment s’est déroulé le casting ?
On a fait trois journées de casting : sur Clermont-Ferrand, Amiens et Lille. Ça s’est très bien passé, on a trouvé seize petits rôles. Pour le rôle d’Esteban, au départ, on avait beaucoup de candidats quand on envoyait simplement le synopsis du film, et dès qu’on a commencé à leur envoyer la scène du casting, bizarrement, on avait très peu de réponses. On avait beaucoup de jeunes qui se désistaient, je pense, ça leur faisait peur. Ça s’est répété au moment du casting. Finalement, on a vu que quatre comédiens pour le rôle d’Esteban et heureusement, il y en a un qui a été génial. C’est Jacques Lepesqueur. Il est arrivé en dernier et on avait vraiment peur de ne pas trouver ce personnage, mais par chance, il est arrivé.
Pour le rôle de Thomas qui est tenu par Paul Gomérieux, j’avais vu une quinzaine de jeunes, mais je n’étais pas sûr à 100 %, donc à douze jours du tournage, on a réalisé un casting vraiment à la rache où on a vu quatre jeunes à Paris. Là, il y avait Paul, et heureusement, ça a été une révélation pour le film, car je l’ai appelé le lendemain matin et je lui ai dit : « dans deux jours ont fait une répète et il faut que tu connaisses les trente-cinq pages de texte du scénario ».
As-tu rencontré divers problèmes (aussi bien au niveau de l’écriture du scénario que sur le tournage) ?
À l’écriture du scénario non, sur le tournage oui énormément. Comme tout tournage, ça a été compliqué, car on avait cinq fois moins d’argent que ce qu’il faut. Un court métrage, ça se monte entre 80 000 et 100 000 euros et nous, on a eu 35 000 euros. Donc, on a vraiment joué avec des bouts de ficelle et ça a été très compliqué à toutes les étapes : le fait de ne pas pouvoir payer les gens comme on voulait, même ne pas les payer du tout pour la plupart, on a eu un problème de livraison de matériel donc la veille de la scène du bal, on m’a appelé en me disant « il va falloir revoir toutes tes ambitions à la baisse. » On a dû appeler des gens, des copains, pour venir nous aider à préparer la salle des fêtes pour le bal. On a eu un camion qui s’est embourbé aussi, donc pendant toute la journée, entre chaque prise, on devait essayer de désembourber le camion, ce qui a créé un énorme cratère de terre dans la cour du lycée où on tournait. On a mis six ou sept heures à déterrer le camion.
On a eu beaucoup de soucis, mais je pense que c’est inhérent à tous les tournages. Et puis évidemment, on a eu cette scène de l’agression où les comédiens s’étaient tellement préparés qu’ils ont décidé de ne pas se parler la veille, pour vraiment montrer cette tension entre eux. Finalement, au bout de la sixième prise, Paul s’est mis à pleurer pendant une demi-heure sans s’arrêter. Je n’ai donc pas pu faire d’autres prises, car ça a été émotionnellement trop chargé pour lui et pour Jacques.
Avez-vous l’impression que les discriminations liées aux personnes LGBT s’intensifient dans le milieu scolaire ?
S’intensifient je ne pense pas, au contraire, je pense que ça va dans un sens un peu meilleur qu’il y a quelques années. Dans le milieu scolaire, en discutant avec les jeunes, je vois qu’ils sont un peu plus ouverts aujourd’hui sur différents types de sexualité. On parle de transsexualité et de plein de choses dont on ne parlait pas avant.
Maintenant, je pense qu’évidemment, tout dépend du milieu dans lequel on vient. J’ai l’exemple de personnes qui viennent de milieux un peu huppés, parisiens, plutôt tranquilles, où ils n’ont jamais connu ce genre de discriminations, et à l’inverse, des gens qui viennent de milieux plus défavorisés, un peu plus ruraux, de cités, où ces problématiques se retrouvent à très grande échelle et on l’a vu quand on a fait quatre projections scolaires. On a des gamins qui sont dégoûtés en voyant deux gars s’embrasser, d’autres qui nous disent qu’ils sont clairement homophobes. La problématique est encore très présente, notamment dans le milieu scolaire.
Néanmoins, la parole semble se libérer peu à peu en France. Pour vous, quel rôle le cinéma a-t-il à jouer dans cette prise de conscience ?
Je pense que là encore, c’est une bonne avancée. Depuis une vingtaine d’années, on a un peu plus de représentation dans les médias, les films, les séries, la musique… donc ça, c’est une bonne chose, même si parfois, ils n’ont pas toujours la place qu’ils devraient avoir parce qu’on met souvent l’homo de service ou le noir de service… et leurs histoires ne sont pas toujours très développées. Mais au moins, ils sont présents, et on montre de la diversité. C’est en lien avec ce que je disais sur les jeunes, où je pense qu’ils sont un peu plus ouverts.
Maintenant, je pense qu’il faut continuer parce qu’il y a encore pas mal de combats à gagner et on le voit avec les violences contre les LGBT qui sont en hausse depuis deux ans.
En quoi votre film permet-il de briser les codes et de rompre le silence autour de l’homophobie et de la transphobie ?
Il existe beaucoup de films LGBT, donc mon film, c’est finalement un film de plus, mais qui va parler à tout le monde dans le sens où on a essayé qu’il soit un maximum réaliste. C’est un peu le problème que je retrouve dans certaines fictions françaises, où les traits sont un peu grossiers, où je ne crois pas forcément aux situations et où je ne me retrouve pas.
Là, on a essayé de faire que ce soit assez subtil, que finalement ça ne parle pas que d’homosexualité, mais aussi tout simplement d’amour. À aucun moment, on dit que nos personnages sont homosexuels, finalement, ils sont peut-être hétéros et sont juste tombés amoureux et c’est là où le propos est peut-être plus universel. Je pense que ce qui fait que ça parle à tout le monde, c’est qu’on parle juste d’une histoire d’amour. On n’en fait pas des caisses, on n’a pas surdramatisé et sûrement que ça parle aux gens et c’est ce qui fait que ça les touche.