C’est sous la figure de style d’une métaphore que Thao Lam a souhaité raconter son histoire. Celle d’une famille de réfugiés. Entre exil et déracinement, Boat People rend un hommage vibrant à celles et ceux qui ont bravé la mer de Chine méridionale pour fuir le chaos de l’après-guerre au Vietnam.
En 1975, plus d’un million de Vietnamiens ont fuient par la mer au péril de leur vie. Tous n’avaient qu’un rêve en tête : vivre une vie meilleure, loin du régime communiste autoritaire. Ce sont les « boat people ». À l’époque, Saigon, la capitale de la République du Vietnam, venait de tomber dans les mains des forces communistes, provoquant un climat de tension permanent : surveillance généralisée, emprisonnement, voire exécution des individus perçus comme des ennemis, etc. Parmi les milliers de familles qui ont fui le chaos de l’après-guerre au Vietnam, il y a celles de Thao Lam.
La parole libérée
C’est au Canada que Thao et ses parents ont posé leur valise, après avoir bravé les autorités et la mer déchaînée. Dans le documentaire animé Boat People, l’illustratrice explore le poids de l’exil qui pèse sur sa famille. Elle aborde notamment la question du déracinement identitaire. Un déracinement silencieux. Car dès l’instant où ses parents sont devenus des exilés de guerre, ils n’ont jamais cessé de cacher leurs souffrances, leurs colères et leurs peurs inavouables. Un tabou du passé que Thao Lam cherche ici à libérer.
Avec un style narratif saisissant, l’illustratrice Thao Lam et le réalisateur Kjell Boersma livrent une profonde réflexion de vie tirée du comportement des fourmis. Pourquoi le choix de cette métaphore aussi frappante que surprenante ? Lorsqu’elle était enfant, la mère de Thao sauvait les fourmis des bols d’eau sucrée. Quelques années plus tard, les rôles se sont inversés, puisque ce sont ces mêmes insectes qui l’ont sauvée.
Les illustrations, tantôt en animation 2D traditionnelle, tantôt en stop motion et rendu 3D, se mêlent subtilement au récit métaphorique de ces apocrites. Pourtant, il existe bien une grande différence entre ces deux êtres vivants : si les fourmis ne semblent pas connaître le sentiment de la perte, les humains, quant à eux, portent ce lourd fardeau tout au long de leur existence.
Primé dans de nombreux festivals, et actuellement présenté au Festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand 2024, ce film d’animation rend un vertueux hommage aux oubliés de l’espoir.