Vous voulez du concept ? En voilà un ! SPIN va vous faire tourner la tête. Nous l’avions découvert en soirée de courts métrages et il ne nous avait pas laissé indifférents. Maintenant qu’il a vécu en festival le voici disponible sur internet. Qu’en est-il ?
En rentrant chez eux, Mallard et sa petite amie Jenna se font agresser. Si Mallard s’en sort bien amoché, Jenna reste sur le carreau. Il se met alors à la poursuite de celui qui les a attaqué, perdant sa trace dans les méandres du lieu où Mallard habite. Continuant sa recherche, Mallard va se retrouver tantôt témoin, auteur puis la cible de la scène initiale qui ne fait que se répéter sous ces divers angles. De même Jenna devient sa voisine, son amante, une inconnue…Qu’est il en train d’arriver à Mallard ? Un homme qu’il croise sans cesse va lui donner les clefs de sa quête.
Ce court métrage à la limite du conceptuel, propose un point de vue sur l’introspection et la prise de décision. Un voyage temporel imaginaire dans la tête d’une même personne se demandant quel choix elle doit faire, que doit-elle devenir, qu’est ce qu’engendreront ses actes et donc qui est-elle au fond d’elle. Le spin en physique est le terme désignant une chose (un électron) tournant sur elle-même. La trame narrative reprend cette forme là, nous proposant un tourbillon à la fois spatial et mental. Spatial car nous faisons que monter et descendre dans cet immeuble, mental car nous allons d’un état de penser à un autre laissant notre esprit reconstituer ce puzzle.
L’ensemble du film est un (faux) plan séquence. Nous sommes embarqués comme spectateurs avec le personnage principal. On le suit jusqu’à ce qu’il comprenne sa raison d’exister. La caméra est fluide, les enchaînements peuvent parfois être perceptibles pour un œil aguerri, mais dans l’ensemble la prouesse technique est bien là.
Le décor du film est la Cité Abraxas de l’architecte Ricardo Bofill. Ce lieu a été vu dans nombre de films et clips. Ici, la Cité aide à créer l’aspect labyrinthique de l’esprit humain. Le dédale créé par les couloirs, l’ascenseur et les profondeurs amplifient le parallèle avec le mythe d’Icare. En essayant de s’échapper avec des ailes de cire il s’approchera trop du soleil et retombera aussi sec. Ici Mallard trouve la vérité de son existence en montant au dernier étage et retombe brutalement.
Côté casting, on retrouve le trop rare Johan Libéreau dans le rôle principal, Armelle Gerbault en petite amie et Patrick Haultier en tant que détenteur de la vérité. Libéreau est fermé et tendu de bout en bout. Sa prestation est juste et constante, renforçant l’impression de plan séquence. Il rend encore plus étrange les changements subtilement perceptibles sur sa personne.
Leticia Belliccini propose un film « high-concept » un peu hermétique dans lequel il ne faut rien louper si on ne veut pas passer à côté et où il faut patienter jusqu’à la fin pour décoder l’ensemble du film. C’est malgré tout un film rondement mené malgré sa complexité conceptuelle. Le court-métrage permet cette liberté là et il faut l’exploiter. Ce qu’elle fait avec brio.