Interview Lucrèce Andreae : L’incroyable parcours d’une jeune réalisatrice

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Jeune réalisatrice césarisée, Lucrèce Andreae est aujourd’hui une étoile montante du cinéma d’animation. L’artiste diplômée des Gobelins et de l’école de la Poudrière se livre en toute intimité sur son ascension fulgurante.

 

J’ai toujours été attirée par les thèmes du deuil et des rapports ambigus qu’on entretient avec sa famille.

 

Bonjour Lucrèce. Pour ceux et celles qui n’ont pas encore la chance de vous connaître, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vous ?

Je suis jeune autrice-réalisatrice de films d’animations et mon premier film professionnel, Pépé le morse, a été assez bien reçu au sein des festivals de cinéma (Cannes, Césars, Annecy, ainsi qu’à l’étranger).

Votre premier court métrage, Trois petits points, a remporté le prix spécial du jury au Festival d’Annecy en 2011. Cette première récompense a-t-elle confirmée votre désir de vous lancer dans la réalisation ?

Ce n’était pas à proprement parler « mon » premier court-métrage, car nous étions une équipe de six auteurs-réalisateurs étudiants de l’école des Gobelins. Mais bien sûr, cette récompense n’a fait que renforcer ma motivation. En 2011 j’avais déjà intégré depuis un an l’école de réalisation La Poudrière, donc je n’ai pas attendu le prix pour me décider !

Vous avez découvert l’animation en intégrant la prestigieuse école des Gobelins à l’âge de 19 ans. Qu’est-ce qui vous fascine dans le cinéma animé ?

Les films d’animation sont un beau mélange entre cinéma et dessin, c’est évidemment troublant et magique de voir un être graphique totalement imaginaire prendre vie, bouger, parler, et évoluer dans un univers peint ou construit en carton pâte. Je pense que c’est ce qui m’a toujours fascinée petite dans les films d’animation.

Votre magnifique court métrage Pépé le Morse a reçu, en mars 2018, le César du meilleur film d’animation. C’est une véritable consécration ! Ce succès à l’international a-t-il changé votre manière d’appréhender les choses et surtout, votre jeune carrière en tant que réalisatrice ?

Une telle reconnaissance ne peut que consolider ma confiance en moi, ce que j’accueille volontiers car le doute m’avait beaucoup tiraillée sur cette production. Un film d’animation est si long et éprouvant à faire que l’euphorie de la création est vite mise à mal par la répétition laborieuse des tâches. Ce prix m’a permis de rencontrer des spectateurs extrêmement émus par mon film, ce qui est la plus belle des récompenses.

 

J’essaie d’atteindre humanité et complexité.

 

Pépé le Morse est un film à la fois drôle et terriblement émouvant sur l’enfance et le  deuil. Comment est née cette fable poétique ?

J’ai toujours été attirée par les thèmes du deuil et des rapports ambigus qu’on entretient avec sa famille. Ici, très concrètement, j’ai flashé un jour sur le travail photographique de Shoji Ueda qui met en scène des personnages paumés, risibles et mélancoliques, sur des étendues de sable vides, ensembles et pourtant seuls. Ça a été le point de départ, j’ai voulu poser une famille en deuil et divisée sur une plage peu hospitalière, et voir ce qui se passait si celle-ci incarnait peu à peu leurs violents sentiments enfouis…

Quelques mois après avoir remporté le prestigieux César, quels sont vos projets pour la suite ?

Mon compagnon et auteur de BD, Jérémie Moreau, s’est enflammé à l’idée d’écrire un long-métrage avec moi. Sans l’accueil très encourageant de Pépé le morse, je n’aurais jamais eu l’énergie de me lancer dans un tel projet (sachant qu’un film de 15 min m’a demandé 4 ans de travail, imaginez un film de 1h30…). Mais l’enthousiasme de Jérémie a fini par me contaminer alors nous sommes actuellement en train d’écrire un film pour enfants empreint de féminisme se déroulant dans le contexte de la Chasse aux sorcières.

Si vous deviez d’écrire votre univers en un mot, lequel serait-il ?

J’espère que chacun de mes films demande au moins 10 mots pour être décrit, ou alors je considérerai mon travail comme simpliste ! Alors disons que j’essaie d’atteindre humanité et complexité.